A peine 6 décrets sur 111 ont été publiés, mais Bercy veut aboutir pour les trois quarts d’entre eux d’ici à la fin de l’année. Le ministre de l’Economie reçoit ce jeudi les parlementaires des commissions spéciales pour accélérer le calendrier.

C’est LA loi qui doit « déverrouiller » l’économie et « lever les freins à la croissance ». Pour l’heure, c’est surtout la loi qui va occuper pendant de longs mois encore l’administration de Bercy et les conseillers d’Etat tant sont nombreux les textes réglementaires qui doivent permettre aux 308 articles de la loi de se ­concrétiser. Au total, 111 décrets ou arrêtés doivent être publiés, « dont les trois quarts d’ici à la fin de l’année », selon l’objectif fixé par Bercy. Sans compter les 19 ordonnances qui doivent être rédigées. A ce stade, 6 décrets ont été publiés. Le ministre de l’Economie ne ménage pas ses équipes pour faire avancer ce dossier et lui-même s’implique personnellement puisqu’il reçoit ce jeudi les membres des commissions spéciales de l’Assemblée nationale et du Sénat qui étaient en charge d’examiner la loi. Ces derniers se sont eux aussi mobilisés en créant une mission parlementaire dédiée au suivi de l’application de la loi et présidée par le rapporteur à l’Assemblée, Richard Ferrand (PS). « Il y a toujours une grande effervescence au moment de la préparation et du vote d’une loi. Et l’attention retombe souvent après, fait valoir ce dernier. Avec mes collègues parlementaires, nous avons commencé un chantier que nous souhaitons mener jusqu’à son terme, et nous ne lâcherons rien sur le rythme de publication des décrets. »

Si plus de la moitié des dispo­sitions de la loi sont entrées en vigueur immédiatement après son vote, et si certains volets majeurs sont déjà bien avancés, Bercy n’est pas au bout de ses peines sur certains sujets sensibles. Revue de détail.

Travail le dimanche, autocars : Bercy a mis le turbo

Ce sont deux des mesures emblématiques de la loi. Il fallait donc aller vite. Le décret établissant les ­contours des zones touristiques internationales a été publié dès le 23 septembre. A Paris, le préfet ayant donné son accord pour l’ouverture des commerces le dimanche, les premières enseignes ont pu accueillir leurs clients dès le dimanche 18 octobre. En régions, les arrêtés relatifs aux zones touristiques internationales et aux gares sont encore attendus. Quant au transport par car, la plupart des voyagistes n’avaient pas attendu le vote de la loi pour proposer leurs nouvelles offres. L’arrêté libéralisant le secteur est sorti le 1er septembre et le décret créant l’autorité de régulation du secteur, l’Arafer, dans la foulée.

Professions réglementées : les oppositions se multiplient

C’est sûrement le sujet le plus épineux pour Emmanuel Macron. Les notaires étaient déjà très actifs pendant la phase législative, ils le sont tout autant, même si c’est plus discrètement, dans la phase réglementaire. Les équipes de Bercy et de la Chancellerie sont censées travailler conjointement sur les décrets relatifs aux tarifs et aux conditions d’installation. En réalité, les premiers trépignent d’impatience là où les seconds ne sont pas pressés de voir sortir les textes. La loi a pourtant fixé au 1er février la date à laquelle doivent être rendus publics les nouveaux tarifs des notaires et la carte autorisant de nouvelles installations dans les zones sous-dotées en offices notariaux. Pour l’heure, les décrets relatifs à la méthode de fixation des tarifs sont entre la Chancellerie et la DGCCRF et ils feront l’objet d’une saisine rectificative auprès du Conseil d’Etat. Ce n’est que dans un second temps que seront rédigés les arrêtés fixant précisément le tarif de chaque prestation. Idem pour la possibilité de faire des remises, dont le montant ne pourra vraisemblablement pas dépasser les 10 %. Enfin, la carte des nouvelles installations sera dévoilée en février, mais ce n’est qu’en mars ou avril, au mieux, que les jeunes notaires voulant ouvrir un office pourront poser leur candidature. Un autre sujet va aussi faire l’objet d’intenses tractations : la rédaction de l’ordonnance portant sur l’interprofessionnalité du droit.

Volet social : plusieurs mesures encore en suspens

Certaines dispositions sociales sont d’application immédiate comme l’assouplissement des accords de maintien dans l’emploi ou la réforme de la procédure prud’homale, mais d’autres nécessitent des décrets dont l’envoi au Conseil d’Etat est imminent. C’est le cas du référentiel indicatif pour les indemnités prud’homales qui doit servir d’appui au juge lors de la fixation des indemnités extralégales. Il ne s’agit pas du plafonnement en tant que tel des indemnités qui a été censuré par le Conseil constitutionnel et sur lequel Emmanuel Macron entend bien revenir dans un prochain texte de loi.

Pour ce qui est de l’assouplissement des plans de sauvegarde de l’emploi (ordre des critères de licenciement, reclassement hors du territoire national), il suffira de décrets simples dont la publication est prévue pour novembre. Pour l’encadrement des travailleurs détachés (carte d’identité professionnelle, par exemple) il faudra un peu plus de temps (fin d’année), car il s’agit cette fois de décrets en Conseil d’Etat. Enfin, pour ce qui est du droit d’information préalable des salariés, qui a été considérablement assoupli par la loi Macron par rapport à sa version initiale dans la loi Hamon (censurée par le Conseil constitutionnel), le décret simple serait sur le point d’être publié.

Justice commerciale : le dossier a été déminé

Le bras de fer a été vif avec les juges consulaires, au point de les mener à la grève pendant la préparation de la loi, mais il est désormais terminé. La spécialisation des tribunaux de commerce pour « délocaliser » les affaires les plus importantes est déjà actée. Reste à fixer la liste de ces tribunaux spécialisés. Quant à la création de la cession forcée en cas de sauvegarde de l’entreprise, elle est d’application immédiate.

L’injonction structurelle : le sujet n’est pas clos

Cette disposition permettant à l’Autorité de la concurrence de ­forcer une enseigne à vendre ­certains de ses magasins en cas de concurrence déloyale a été ­censurée par le Conseil constitutionnel. Mais Bercy n’a pas dit son dernier mot, soutenu sur ce point par plusieurs parlementaires de la majorité qui veulent réintroduire le dispositif en le retravaillant dans un prochain texte.

Source : Les Échos – Marie Bellan