Ils ont manifesté comme jamais, la profession ne l’avait encore fait. Ils ont lancé des pétitions, déposé des mémoires au Conseil constitutionnel. Mais rien n’y a fait. Les notaires n’ont pas réussi à faire flancher le ministre de l’Economie, qui a salué la parution hier des décrets sur les tarifs des professions réglementées. Ces tarifs fixent pour chaque acte notarié le « juste » prix, comme l’a exigé le Conseil d’Etat. Au premier abord, les changements semblent modestes puisque la baisse des tarifs pris globalement atteint seulement 2,5 % pour les notaires (idem pour les huissiers et 5 % pour les greffiers des tribunaux de commerce). Cela dit, même si elle paraît légère, il s’agit de la première baisse tarifaire globale à laquelle doit faire face la profession, qui était habituée jusque-là à des évolutions tarifaires, décidées par la chancellerie uniquement, qui lui étaient plutôt favorables. Désormais, ces tarifs sont fixés par l’Autorité de la concurrence et ils seront révisés tous les deux ans. Pour affiner le calcul de certains d’entre eux d’ici à 2018, l’Autorité de la concurrence a aussi obtenu une disposition transitoire lui permettant de les faire encore évoluer, avec une marge de plus ou moins de 10 % selon les actes.

Un plafond pour les biens à petit prix

Cette baisse moyenne de 2,5 % cache des disparités très fortes entre les actes. Pour les achats à de « petits » prix (voir ci-dessus), les tarifs vont fortement baisser car les émoluments des notaires seront en pareil cas plafonnés à 10 % du prix du bien. Une façon, selon le ministère de l’Economie, de remettre de la cohérence entre le prix de certains biens et celui de l’acte notarié. En revanche, pour les achats im­mobiliers d’un prix important, notamment sur le marché parisien et celui des grandes agglomérations, le tarif du notaire ne devrait pas beaucoup varier. C’était d’ail­leurs un des points de vigilance des députés qui ne voulaient pas d’une réforme qui fasse baisser les prix pour des consommateurs aisés susceptibles d’acheter ce genre de bien immobilier. Mais c’est aussi l’un des points faibles de la réforme qui laisse intacte la rente immobilière dont bénéficient notamment les gros offices notariaux parisiens et à laquelle Bercy voulait justement s’attaquer.

Parmi les nouvelles possibilités offertes par les décrets, l’innovation la plus forte va sûrement venir de l’introduction de remises. Le no­taire pourra, s’il le souhaite, aller jusqu’à 10 % de remise pour tout acte dépassant les 150.000 euros. Seule contrainte : cette remise sur tel ou tel type d’acte devra être consentie à tous les clients de l’office notarial. Pas question de faire « à la tête du client », comme l’avaient dénoncé les parlementaires lorsque le texte a été discuté à l’Assemblée. Là encore, Bercy attend beaucoup de cette mesure qui devrait pousser les notaires à faire des gains de productivité : en allant encore plus loin dans la numérisation, qui est déjà bien avancée chez certains, mais aussi en optant pour l’interprofessionnalité, très décriée toutefois par les professions réglementées. Bercy fait ainsi le pari que les notaires seront poussés à se moderniser. La balle est désormais dans leur camp.

Source : Marie BELLAN – Les Échos